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Ah les braves gens !

Il aura fallu trois ans d'enquête à Marie-Monique Robin, journaliste indépendante pour réaliser dans  un livre dense et un documentaire diffusé sur Arte (*) :  le  portrait accablant de Monsanto, multinationale au superbe slogan:«Nourriture, santé et espoir», derrière lequel se cache une entreprise qui aura grandement contribué à empoisonner notre planète et la santé humaine: les PCB (plus connus en France sous le nom de pyralènes), l’agent Orange défoliant utilisé pendant la guerre du Vietnam, la dioxyne (on se rappelle notamment Seveso en 1976), le DDT, (aujourd'hui prohibé), l'aspartame, (dont l'innocuité est loin d'avoir été démontrée),  les hormones de croissance laitière et bovine (interdites en Europe) sans oublier le Roundup, herbicide bien connu des jardiniers qui s'est révélé cancérigène. Aujourd'hui, Monsanto est le leader mondial des OGM couvrant quelque 100 millions d'hectares de culture en 2007, dont 90% correspondent à des caractéristiques génétiques brevetées par ses soins. Des OGM conçues comme des outils destinés à imposer un nouvel ordre agricole mondial en assurant l'hégémonie de quelques firmes agro semencières au détriment de la diversité génétique planétaire et des paysans, privés de leur indépendance et du droit ancestral d'échanger les semences. Des OGM pour lesquels des études suffisantes pour en vérifier l'innocuité n'ont jamais été menées en raison du "principe d'équivalence en substance " qui établit qu'un plant transgénique est identique à un plan non modifié, et que donc les expériences sont inutiles!

 

Fruit d’une enquête exceptionnelle de trois ans qui a conduit notre journaliste dans trois continents (Amérique du Nord et du Sud, Europe et Asie) d’où elle a recueilli nombre de témoignages inédits, notamment de chercheurs qui ont dénonçé : "ici une manipulation, là un mensonge ou encore des drames humains à répétition", quitte à être confrontés à de graves difficultés personnelles ou professionnelles, Monsanto optant pour une discréditation sans merci de ceux qui osent contester le bien-fondé de ses produits. Ah les braves gens !

 

 Le Monde selon Monsanto. Marie-Monique Robin, Ed. La Découverte.372 pages. 20 euros.

 

* Monsanto, une entreprise qui vous veut du bien.  Marie-Monique Robin. Documentaire diffusé en mars dernier sur Arte.

 

 

étonnant voyageur!

 

Il y a dix ans disparaissait Nicolas Bouvier qui réinventa le récit de voyage.

 

A l’occasion du dixième anniversaire de sa mort François Laut signe une première biographie d’un auteur trop méconnu *. Héritier de toute une lignée de pasteurs genevois, ayant grandi dans de désuètes propriétés à la Tchekhov , fréquentées par Hermann Hesse ou Robert Musil, Nicolas Bouvier était promis à un avenir tout tracé de bibliothécaire jusqu’à ce qu’il se découvre une vocation d’écrivain-voyageur. Le voici donc un beau jour de 1953 quittant Genève au volant d'une minuscule Fiat Topolino dans laquelle il entasse pêle-mêle un accordéon, une Remington et une cartouche de Gauloises à destination de l'Afghanistan. De ce  long périple des plaines anatoliennes aux neiges de Tabriz va naître « l’usage du monde » (*) chef-d’œuvre de la littérature de voyage francophone de la deuxième moitié du XX ème siècle. Dans une prose toute à la fois joyeuse et poétique Nicolas Bouvier  réinvente le récit de voyage quelque part entre Morand et Kessel. Hélas nul n’est prophète en francophonie et la reconnaissance de notre écrivain-voyageur se fera longuement désirer.  Fort heureusement,  laborieusement édité à compte d'auteur en 1963, « L'Usage du monde », deviendra progressivement un livre culte jalousement transmis entre initiés, jusqu’à ce qu’il devienne  authentique long-seller.

 

De la Macédoine aux îles d'Aran, des brumes écossaises au Japon, Nicolas Bouvier restitue avec humour et précision ces vies ordinaires qu’il croise et célèbre tout à la fois justement et poétiquement les enchantements du moment, les bonheurs les plus impalpables « Un pays est une succession d'états d'âme», écrivait-il justement, même si le cours de sa vie ne fut pas toujours un long fleuve tranquille. Dépressif, une bouteille de whisky, toujours à portée de main, Nicolas Bouvier dut se faire guide pour touristes en Chine.

 

A l'heure où paraissent tant de récits de voyage et journaux bâclés Nicolas Bouvier fut un véritable écrivain-voyageur. Un écrivain qui accoucha toujours dans la douleur, car de son aveu même écrire ne lui était pas facile : « Travail de forçat, puisqu'il s'agit de restituer avec un vocabulaire opaque, pesant, lacunaire ce qui avait été ressenti comme légèreté aérienne, transparence et mystérieuse polyphonie».

 

* Nicolas Bouvier. L'œil qui écrit. François Laut. éd. PAYOT.320 pages. 20 €

 

** L’usage du monde. Nicolas Bouvier. Nicolas Bouvier, Thierry Vernet.  Très belle édition de la librairie Droz, réédition à l’identique de l’édition originale publiée en 1963 avec tous les dessins de Thierry Vernet.  376 pages. 34 euros.

 

 

 

«Dans le café de la jeunesse perdue»,

 

 

«A la moitié du chemin de la vraie vie, nous étions environnés d'une sombre mélancolie, qu'ont exprimée tant de mots railleurs et tristes, dans le café de la jeunesse perdue.» 

 

 Le titre du dernier Modiano résonne comme un écho symbolique de son univers quelque part entre les  «Boulevards de ceintures» et  le «Quartier perdu». Nous retrouvons donc, intacte, sa passion des déambulations circulaires dans un Paris d'autant plus rêvé qu'il est d'une très précise topologie.

L'exergue du roman est une phrase de Guy Debord, « Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu ». Tel est bien en effet, le contenu de la confession testamentaire de son héroïne, Louki.  (Louki, c'est presque Youki, le prénom de la femme de Robert Desnos). Nous faisons sa connaissance lorsqu’elle entre par une porte de café à la première page du livre; nous la quitterons lorsqu’elle sort du livre et de la réalité par une fenêtre à la fin du roman. Entre temps Modiano fait témoigner ceux qui l'ont connue: un étudiant des Mines, un détective engagé par son mari abandonné, et surtout Roland, un apprenti écrivain qui l'a follement aimée. Ces quatre voix réveillent une ambiance, évoquent certains quartiers de Paris dans les années soixante, et chroniquent  les derniers jours d’une jeune femme qui va mourir. Plus qu’un roman choral, il s’agit d’une autobiographie fragmentée et rectiligne parcourue d’une forme d’allègre mélancolie. Voici donc,  au hasard des rues, Louki, escortée de ses fantômes, elle-même hantant la nuit frémissante d’une tragédie murmurée.  Elle est jeune, jolie, noctambule, indiscutablement mystérieuse, définitivement solitaire,  pratiquant comme personne l’art de la fugue et du contrepoint en  errances incertaines. Elle erre entre drogue, ésotérisme et lectures remplies d’histoires d'enfants ou d'adultes en quête d’idéal. 

Au hasard de ses déambulations Louki transporte en tous lieux son malaise et sa grâce dans ces «zones neutres» que Modiano  définit comme : des rues aux identités diaphanes, paraissant ne jamais être à leur place,  obstinée dans son refus non violent de la réalité, bateau ivre bourlinguant d’une rive à l'autre, avant d’échouer,  tremblante, à une table du café Le Condé, du côté d’Odéon.  Ce café de la jeunesse perdue est habituellement peuplé d’écrivains étranges et d’artistes désenchantés qui ne peuvent rien pour elle, pas plus que le  médium qui comme Modiano excelle à éveiller les voix des morts dans cette chronique douce-amère charriant visages, souvenirs et livres oniriques.  Joli et étrange récit incantatoire aux  disparus qui  grâce au miracle de l’écriture, demeurent éternellement jeunes et sauvés de l’oubli. Magie de l’écriture : Vivre, c'est s'obstiner à achever un souvenir, nous dit Modiano, en écho  implicite à la belle phrase de René Char : Vivre, autrement dit : écrire.

 

 «Dans le café de la jeunesse perdue». Patrick Modiano. Ed. Gallimard. 150 pages.  14,50 euros.

 

 

 

Un joyau exigeant d’une grande dame des lettres hongroises

 

 

Après "la Porte" , prix Femina étranger en 2003, "la Ballade d'Iza" et "Rue Katalin", Magda Szabo avait disparu des étals des libraires. La voici à nouveau sur le devant de la scène avec « Le Faon » paru chez Viviane Hamy. Une forme de consécration pour une grande dame des lettres hongroises  longtemps ignorée dans son propre pays, la Hongrie,  où elle s’est éteinte il y a peu, à 90 ans, sans avoir pu hélas, mettre un point final à son autobiographie.

 

 Le Faon est l’implacable tragédie d'une femme dévorée par la jalousie. Eszter Encsy ,  comédienne de Budapest y dévoile son amour pour un homme marié et se livre totalement en mêlant son présent et son passé. Les frustrations de son enfance renaissent et s'exacerbent quand elle découvre qu'Angela, la gamine trop parfaite de son village natal, est l'épouse de l'homme qu'elle aime, et qui l'aime. Dès lors Eszter, est toute entière dévorée par une jalousie morbide, incurable, monstrueuse et obsessionnelle et le livre devient le pathétique récit de sa descente aux enfers. Un monologue terrible d'une femme qui se donne, se confie, se confesse, et expie. A la manière d’une tragédie antique Magda Szabo met en scène une Médée hongroise dont le monologue est une forme d’exorcisme à vocation expiatoire avec en contrepoint  l'évolution de la Hongrie aux prises avec les diktats du parti unique, et les excès d’une dictature qui empoisonne la vie des hongrois. Le texte est parfois déroutant pour le lecteur tant il  entretient la confusion des sentiments, des dates, et même des  personnages. Au fil des pages affleurent des souvenirs qui s’entrechoquent, se télescopent, se surajoutent selon les caprices d’une mémoire enfiévrée par la passion qui s’évertue souvent vainement à en rechercher des cohérences. L’écriture ainsi démultipliée est sans concessions pour le lecteur  à ce point captivé qu'il ne peut l’abandonner. Il est ainsi des livres qui se méritent et savent récompenser en retour ceux qui lui sont fidèles, « Le Faon » est sans conteste l’un de ceux-là !

 

Le Faon. Magda Szabo. Ed Viviane Hamy.  235 pages.  21.00 €

 

 

 

Hystérie à Sydney.

 

 

Hystérie à Sydney.

 

Gina Davies, dite la Poupée, strip-teaseuse dans un club de Sydney  tombe un soir sous le charme de Tariq, un bel étranger, informaticien de son métier. Après une nuit torride, son amant disparaît et l’on retrouve au matin cinq bombes dans la ville. Nos deux amants sont rapidement dénoncés comme terroristes car Tariq a fait de trop nombreux voyages au Pakistan et en Indonésie pour ses trafics; quant à Gina  reconnue par un journaliste véreux sur une bande de vidéosurveillance, au bras du jeune homme, elle s'est exhibée parfois en « veuve noire » sur scène, à demie nue et affublée d'une burka. Très vite la pression médiatique, conjuguée à la machination policière et à la démagogie politique vont se transformer en  paranoïa terroriste. Et Gina, la Poupée , ayant perdu tout contact avec son amant d'un soir, et incapable de prouver son innocence,  va devoir fuir comme une bête traquée dans la ville devenue hystérique.

 

 « La Fureur et l'Ennui » (en anglais, « The Unknown Terrorist ») est l'oeuvre de Richard Flanagan reconnu comme l’un des plus grands auteurs australiens de sa génération.  L’action se situe en Australie que Flanagan transforme, par la magie de sa plume,  en démocratie fourvoyée dans un mauvais remake du 11 Septembre. Et c’est dans un Sidney devenu apocalyptique qu’il nous donne à voir, flottant à la dérive comme des noyés, ses héros pathétiques se raccrochant comme ils le peuvent, à un bien-être matériel artificiel.  Pour Flanagan la paranoïa terroriste est une sorte d’accord tacite passé entre le peuple et ses dirigeants.  A la manière d’un mauvais film catastrophe dans lequel les citoyens jouent à se faire peur dans l’attente du grand frisson  et du  happy-end garanti tandis que ceux qui titrent les ficelles peuvent retourner tranquillement à leurs jeux habituels de pouvoir et d'argent.

 

Le regard est sévère, certes, mais Flanagan ne tombe pas pour autant dans la caricature, son style nerveux s’égrène en mots précis au service d’une grande lucidité au service d’un  pessimisme absolu qui engendre la rage.  Rage de bousculer la bonne conscience de cette société indécemment matérialiste et bien pensante en écho à Jésus ou Nietzsche, tout à la fois symboles et témoins de l'amour impossible. A la fin pourtant, au bout de l'enfer, Flanagan se fait plus raisonnable et conclut : « L'amour ne suffit jamais, mais c'est tout ce que nous avons.»

 

La fureur et l’ennui. Richard Flanagan. Ed Belfond, 360 pages, 21 euros.

 

 

 

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