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Les années. Annie Ernaux

Le temps passe. Et chaque fois qu'il y a du temps qui passe, il y a quelque chose qui s'efface" (J. ROMAIN, Les Hommes de Bonne Volonté, "Les Amours Enfantines").

Au moment de notre mort images et mots s'effaceront en une seconde reléguant à l’instant impitoyablement ce que nous fûmes et ce que fût notre passé. Il y a donc urgence à «sauver quelque chose du temps où l'on ne sera plus jamais». Oui mais quoi ? Pourquoi ? Et comment ? L’entreprise est éminemment littéraire, elle est même en quelque sorte, la quintessence de la littérature et même de l’Art. L’ombre immense et formidable de Proust semble défier l’impudent littérateur qui ose s’atteler, même humblement à la tâche. Comment oser écrire sur le temps perdu puis retrouvé après ce géant qui en fit le « grande œuvre » de sa vie? Voilà qui requiert, tout à la fois ambition, talent et maturité. Annie Ernaux n’était pas la plus mal placée à ce titre pour relever avec succès le défi. Et, disons le d’emblée, « Les Années » est sans nul doute le livre le plus ambitieux d'Annie Ernaux,  et il en est également le plus réussi.  

 

Ce défi lancé à elle-même était éminemment proustien : «réintégrer fugitivement toutes les formes de l'être qu'on a été, durant quelque soixante ans d'événements petits et grands ? ». Mais qu’en est-il ?  « Les Années » réassemble les éléments d’un puzzle constitué d’époques successives, parfois contradictoires, assemblé sous son regard en forme de portrait de femme. Les éléments épars du puzzle : une photo,  un film amateur , un repas familial, sont autant d’éléments tangibles, de fragments objectifs sur lesquels s’appuient solidement les  textes où résonnent encore à l’infini réminiscences et fragments de mémoire : chansons, publicités, choses vues et entendues dans la rue, à la télévision, à la radio, expressions populaires, jargon ou vocabulaire familial, jeux de mots et histoires drôles, qui même lointaines continuent à hanter l’inconscient et la mémoire.

Les événements politiques et les acquis sociaux servent de toile de fond à cette peinture de la transformation de notre société autour des dates clés, entre espoirs et désillusions, des mois de mai 1968, 1981 et 2002.  Récit des origines tout d’abord: la guerre, la peur, la faim, l’immédiat après-guerre : le chemin de l’école à travers les ruines avec dans l’estomac des relents d’huile de foie de morue,  la rareté de tout et puis la vie à la campagne et son héritage inconscient : les gestes brusques, le souci de ne pas gâcher, le souci du « qu’en dira t’on » et tant d’autres attitudes façonnant à son insu l'enfance d’une enfant bientôt devenue adolescente au «corps poisseux» aspirant à l'amour, puis étudiante écartelée entre deux modèles : Mylène Demongeot …Simone de Beauvoir. Et puis, et puis  toutes les vies successives de jeune épouse bourgeoise, de mère lasse, de femme gelée, de divorcée qui a un amant, puis (en fait très–trop vite ?) une femme d’âge mûre entourant de ses bras sa petite-fille.
Le pari est en partie réussi, car c
omment ne pas se retrouver dans ces années ?

L’entreprise n’est pas sans rappeler l’excellent roman « une vie française » (*) qui excellait à évoquer cette génération du baby-boom qui a tant espéré et pas toujours beaucoup obtenu, ses espoirs et ses désillusions avec pour repères la vie politique et sociale de son époque. Dans le livre d’Annie Ernaux le propos est plus universel et le lecteur, toutes générations confondues, y puisera ses madeleines, même si le portrait est particulièrement touchant, pour tous ceux, qui sont peu ou prou de la même  génération et qui s’y retrouveront avec une pointe de mélancolie.  Sans doute peut-on regretter au fil de la lecture le recours un peu systématique pour chaque période à la méthode choisie pour son exploration du temps. Mais du moins est-elle parvenue à redonner : »Une coulée de lumière et d’ombre sur des visages » en ressuscitant ce « temps immobile à grand pas » cher à Valéry !

 

(*) Une vie française. Jean-Paul Dubois. Prix Femina 2004. Ed. Points Seuil.401 pages. 7,90 euros.

 

(**) Les Années. Annie Ernaux. Ed. Gallimard. 242 pages. 17 euros

 

 

Une folle équipée

 

Teint mat, cheveux crépus, patronyme juif, Sasha Goldberg est une grosse adolescente perdue au fin fond d'une vallée minière sinistrée, elle est la  risée de ses camarades post-soviétiques   sans le réconfort d’une mère, déçue par cette enfant décidément indigne de l'intelligentsia. Son père, fils d'une Russe et d'un Africain  abandonné puis rapidement adopté par un couple d'ingénieurs, les Goldberg, a émigré aux Etats-Unis et  Sasha va tenter, à son tour, le même voyage vers le rêve américain. Plus précisément à  Phoenix, au bras de Neil,  cow-boy dégarni de vingt ans son aîné, avec lequel elle s'est fiancée par correspondance, et à  Chicago, auprès de ses compatriotes émigrés, entre corvées ménagères, galas de bienfaisance et cours accélérés de judaïsme. Sasha court après tout : sa vie, son père et son identité, et surtout vers un endroit où poser enfin son sac et être elle-même.

 

Pour ce premier roman Anya Ulinich, Russe émigrée aux Etats-Unis,  réussit un coup de maître. Pour relater l'itinéraire surréaliste de son héroïne elle a alertement brossé le portrait de deux mondes, aux antipodes l’un de l’autre, recourrant à toutes les nuances d’une riche palette littéraire  qui mêle: satire sociale, humour grinçant,  sens du récit et du détail assassin, dialogues toniques…Le résultat ? Une satire du racisme, du sexisme, de la philanthropie artificielle et de la bonne conscience des privilégiés.  Et un lecteur décidément heureux d’avoir été embarqué dans cette folle équipée !

 

La Folle Équipée de Sashenka Goldberg . Anya Ulinich  Ed. Belfond. . 420 pages. 21 euros.

 

 

 

Libertins et méconnus.

 

La France a connu deux 17ème siècle... Le "Grand Siècle", de Louis XIV, des fêtes de Versailles, du classicisme, de la France et de la langue française maîtresses de leur temps. Une certaine pesanteur et une certaine idée de la grandeur du pays. Et puis, il y a l'autre 17ème siècle... moins connu mais tout aussi fascinant: celui d'Henri IV et Louis XIII.  Le siècle de la "langue verte", des provocations baroques, des premières manifestations de l'athéisme... celui aussi des libertins largement oubliés et sous-estimés par l'histoire de la philosophie officielle et l'université française. C’est que la pensée libertine est multiple. C’est d’abord une attitude, un style, une quête incessante dans la recherche de la sérénité. Il n'y a donc pas à proprement parler de philosophie libertine; mais une sagesse libertine. Celle de François de La Mothe Le Vayer, Pierre Charron, Pierre Gassendi, Gabriel Naudé, Jacques Vallée Des Barreaux, Cyrano De Bergerac, Saint Evremond...
Un libertin est d’abord un affranchi, "libertinus" désignait dans la Rome antique l'esclave libéré par son maître, redevenu homme libre, passant ainsi de l'exploitation à l'autonomie ; et retrouvant sa vie, ses biens, son indépendance, son corps en assumant  pleinement sa singularité et sa duplicité.
Ces libertins méconnus ont beaucoup apporté à l'histoire de la philosophie et des idées . Ils vont véhiculer des idées, réactiver des formes de pensées négligées et oubliées par l'histoire officielle (les Sceptiques, les Cyniques, les Matérialistes...), et exercer surtout une influence déterminante sur les penseurs de leur temps : Descartes, Pascal, Mersenne, Malebranche, Spinoza, Fontenelle, Pierre Bayle. La philosophie des Lumières a une dette significative à l'égard des libertins du Grand Siècle. Et cet ouvrage a le mérite de nous le rappeler.

 

Les Libertins au 17ème siècle. Christophe Girerd. Ed. Livre de poche. Biblio-essais . 320 pages. 6,50 euros.

 

 

Robert …c’est aussi l’Amérique.

 

Parmi les boys qui débarquèrent sur les plages normandes en juin 1944 on comptait plusieurs régiments de soldats noirs, victimes d'une véritable ségrégation qui ne devait cesser qu'avec la guerre de Corée. Dépourvus d’armes et affectés aux tâches les plus ordinaires, ils étaient victimes d'une forme de racisme digne de celui du Sud esclavagiste. Deux poids, deux mesures : lorsqu’un boy noir était l’auteur d’un viol il était la plupart du temps promptement pendu, ce qui n’était pas forcément le cas des blancs coupables des mêmes faits.

 

Cet épisode sombre et caché de l’Histoire américaine est l’objet de «Jusqu'à ce que mort s'ensuive » de Roger Martin,  auteur engagé, spécialiste de l'histoire du Ku Klux Klan et auteur notamment d'un «Dictionnaire iconoclaste des Etats-Unis», sur la face sombre de la démocratie américaine.

 

Douglas Bradley, l’un des enfants de la bonne bourgeoisie noire d'Atlanta, fils d'un des responsables de  Coca-Cola, va découvrir, à la suite du refus de sa candidature à une académie militaire, un secret familial bien gardé. Son grand-père, Robert, accusé du viol d'une jeune française, puis pendu, en juin 1944  repose à présent dans un cimetière militaire américain près de Fère-en-Tardenois en compagnie de 96 autres soldats exécutés dans les mêmes conditions. Dès lors, du cimetière normand  à la Belgique , le jeune Douglas va partir à la recherche des derniers témoins, et chemin faisant, découvrira un secret d'Etat bien gardé aux Etats-Unis : en 1943, au camp Van Dorn, dans le Mississippi, le massacre à la mitrailleuse de près de 1000 soldats noirs révoltés du 364e d'infanterie.  

 

Roger Martin signe un terrible et fort instructif roman qui explore la nauséabonde mémoire   d’une certaine Amérique. Et le lecteur incrédule tourne les pages en se bouchant les narines !   

Jusqu’à ce que mort s’ensuive - Roger Martin.  Ed. Le Cherche-Midi. 372 pages. 17 €

 

 

Qui se souvient…

 

… du joli printemps de Mai 1968 ?…Air frais d’un printemps chaud riche d’une joyeuse irruption de vie trop longtemps contenue, parfumé d’une sève généreuse de liberté, de générosité, chants et paroles à l’infini. Sur les pavés parisiens une foule joyeuse contestait une société cadenassée entonnant des hymnes à la  liberté des corps et des esprits, à l’encontre de l’archaïsme des mœurs et des mentalités qui sévissaient alors. Mai 1968 c’était aussi bien plus que cela : la douce utopie de l’économie au service de l’homme, de l’anti consommation, et de la fraternité universelle…Etudiants et ouvriers réunis dans leurs luttes…Utopies ? Ou empreinte en creux riante et très exacte de notre société qui voit  partis politiques et citoyens renoncer à forger leur destin et se résigner à n’être plus que simples instruments au service de l’économie et de la finance internationale, sous la coupe d’actionnaires, de multinationales, de banques et de spéculateurs … Trouver un boulot,  consommer, éviter la prochaine charrette de licenciements, payer ses crédits, espérer un travail pour ses enfants…Tels sont les objectifs vitaux et raisonnables que tout un chacun se doit à présent de s’assigner…      

Sarkozy et Mai 1968

 

»Je veux tourner la page de mai 1968", annonçait Nicolas Sarkozy, en campagne électorale fustigeant au passage la gauche coupable d’avoir prôné "l’assistanat, l’égalitarisme, le nivellement, les 35 heures". Mais aussi :  le «  déclin de l’autorité », le « laxisme éducatif », la « dévalorisation du travail » et la « culture de l’excuse ». Bref une gauche irresponsable peuplée d’anciens soixante-huitards, une gauche  immorale de surcroît.

 

  LE MONDE.FR avec AFP | 29.04.07 | 18h19 • Mis à jour le 29.04.07 | 18h31

 

                                                 <formulas> "Nous conjurerons le pire en remettant de la morale dans la politique, ajoutait Nicolas Sarkozy… La morale, après 1968, on ne pouvait plus en parler. Pour la première fois depuis des décennies, elle a été au cœur d’un campagne". Et d’accuser "les héritiers de 1968", de "relativisme intellectuel et moral" "incapables de différencier le bien et le mal, le beau et le laid, le vrai et le faux… Des héritiers au surplus responsables de la "dérive du capitalisme financier".  Car : "La contestation de tous les repères éthiques a préparé le terrain des parachutes dorés et des patrons-voyous."

 

Alors entre une gauche en pleine crise existentielle et une droite sûre d’elle, que reste-t-il de Mai 68? Quelques slogans, des images fortes, le souvenir d’une révolte de la jeunesse marquée par l’exubérance … A l’ occasion du 40e anniversaire de ce joli printemps de 1968  il y  aura pléthore d’ouvrages : historiens, témoins, hommages, documentaires, émissions de télévision. Du sérieux, du grisâtre aux antipodes des images qui subsistent dans nos mémoires de ce printemps fleuri, des slogans qui fleurissaient un peu partout sur les murs de nos villes et dont les aphorismes n’étaient  pas dialectiques, mais poétiques et marxistes (tendance Groucho), voire carrément surréalistes : « Sous les pavés, la plage » ; « Il est interdit d’interdire » ; « Soyez réalistes, demandez l’impossible ». (cf. « les murs ont la parole »(*) paru aux éditions Tchou  qui recense tous les slogans qui ont fleuri un peu partout au cours de ce printemps fiévreux). Pour ceux qui n’ont pas connu une bande dessinée (**) explique de façon précise et ludique ce fait historique, elle est préfacée par Cohn-Bendit , par ailleurs auteur de  1968-2008 Faut-il liquider l'esprit de mai ? (***) qui se veut « le » livre de la commémoration de Mai 68. Un recueil de témoignage, mémoires, anecdotes et réflexions de Dany le Rouge sur le sujet et plus généralement sur l’époque.

Et tant d’autres livres encore parus ou à paraître…Reste à savoir ce que nos contemporains peuvent encore retenir de l’époque ?  Une  cure de jouvence contre les dérives de l’ultralibéralisme, la dureté d’une société divisée, les conservatismes fossilisés de la vieille gauche ?  Et mieux encore, un peu de fraîcheur, de joie de vivre, un  message d’espérance dans la volonté collective et dans l’imagination du peuple ? Pour que nos sociétés du calcul égoïste retrouvent le goût de l’avenir et celui de la solidarité. Mais peut-on encore rêver aujourd’hui à 20 ans?

* Les murs ont la parole : Journal mural Mai 68.  Julien Besançon. 184 pages. 7,50 euros.

 

** Mai 68 la bande dessinée Alexandre Franc, Arnaud Bureau (préface de Daniel Cohn-Bendit) Parution  avril 2008.

 

*** 1968-2008 faut-il liquider l’esprit de mai 1968. Daniel Cohn-Bendit. Ed. de l’Aube. 150 pages. 12 euros.

 

 

 

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